Un tandem de soie à la galerie Bogena, Nathalie Deshairs et Jean-Marie Fondacaro

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Une foule étrange se presse à la galerie Bogena, à Saint-Paul. On ne sait si ces humains immaculés, malmenés, mutilés, insaisissables, marchent, se serrent les coudes ou restent figés en attente d’un je-ne-sais-quoi qui embellirait leur vie. Le sculpteur Jean-Marie Fondacaro a choisi cette installation pour dire ses interrogations sur le destin et les objectifs de l’homme.

 » Ce qui est fondamental pour moi, c’est d’inscrire mon travail dans la mobilité du vivant » dit-il. Voilà qui est réussi et s’harmonise parfaitement avec les peintures de Nathalie Deshairs qui, elle, œuvre sur les reflets et la transparence. Figures évanescentes et subtiles, dentelle de soupirs, de gestes esquissés, glissements des étoffes et des silhouettes. Tous deux constituent en quelque sorte un tandem de soie car de leurs créations émane une certaine douceur, une bienveillance commune.

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Même les sculptures les plus incisives de Jean-Marie Fondacaro rejoignent cette ligne qui d’un bout à l’autre privilégie l’humain avec une quête d’âme sinon de spiritualité. L’exposition s’intitule « L’écume d’un songe » et prête à la rêverie. Tant et si bien que l’on quitte à regret cet univers où réflexion et poésie s’épousent et nous tirent vers le haut. Car comme le dit le proverbe « la distance qui relie la terre au ciel est celle de la pensée ». Alors envolez-vous!

Jusqu’au 2 juillet. « L’écume d’un songe ». Nathalie Deshairs & Jean-Marie Fondacaro. Galerie Bogena, 777 route de la Colle
Saint Paul de Vence.
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Le Mercantour dans l’œil de Raymond Depardon à la galerie Lympia

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Il connaît bien le Département; ses souvenirs affleurent lorsqu’il parcourt monts et vallées; il se sent proche de cette ruralité parfois un peu âpre qui évoque son enfance. Raymond Depardon a certes réalisé de superbes photos du littoral azuréen, ses palaces, ses constructions homériques. On peut les découvrir désormais à la galerie Lympia pour le second volet d’une exposition consacrée à l’immense reporter photographe.

Mais ce sont les vues du haut-pays qui, selon moi, sont le plus émouvantes. Raymond Depardon a capté des instants de vérité d’une époustouflante beauté. On entend l’eau vive, on frissonne dans la brise, on est saisi par l’atmosphère intemporelle qui émane de la vallée du Var, des Gorges du Daluis ou de la Vésubie. On sent bien qu’aucune artifice ne vient altérer ici la communion avec les éléments.

« Je suis heureux de revoir toutes ces photographies, prises dans les Alpes-Maritimes, il y a aujourd’hui plus de quinze ans. Elles semblent immuables comme la mer et la montagne. C’est toujours avec plaisir que je revois ces lumières généreuses et douces en même temps… ».

Raymond Depardon a ressenti et trouvé l’âme du Mercantour. Ses images s’imposent par leur beauté mais aussi par leur authenticité. Du grand art.

Jusqu’au 16 septembre. galerie Lympia. 52 Bd Stalingrad. Nice

 

Une biennale d’art pour retrouver l’âme de Saint-Paul

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Au détour des ruelles les souvenirs se bousculent, donnent le tournis. Les souvenirs vécus, les souvenirs devinés, puisés dans les livres et légendes, les souvenirs imaginés. L’amour naissant entre deux grandes stars du cinéma, Simone Signoret et Yves Montand, les parties de pétanque endiablées sur une place peuplée d’artistes, les silhouettes de Matisse, Braque, Chagall, Calder, Miro, les cris tonitruants d’un poète déambulant sur les remparts la nuit au clair de lune, Jacques Prévert, les facéties d’un éternel jeune homme, héros de la Résistance, plasticien et écrivain, André Verdet. Vous avez reconnu le lieu. Il s’agit de Saint-Paul de Vence.

Un village mythique, patrie des inventeurs de la modernité, des peintres et des comédiens, aujourd’hui entièrement peuplé d’œuvre inédites. C’est l’événement estival de la Côte d’Azur. La première édition d’une biennale internationale d’art, présidée par Olivier Kaeppelin qui a réussi ce qu’il avait annoncé: « C’est tout un territoire qui va être perlé, dans une envie de partage de l’héritage de Saint-Paul de Vence, de partage des émotions et de rencontres enrichissantes pour tous ».

Une biennale qui rassemble de grands noms de la création contemporaine rayonnant à l’international mais aussi de jeunes artistes au talent prometteur. Une vingtaine de lieux d’expositions, des performances, des spectacles. Toute une cité qui bat au rythme de l’inventivité et du bouillonnement créatif. 

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Simon Bérard-Lecendre a conçu une espèce d’étendard (voir ci-dessus) plaqué sur les pierres ancestrales, une impression sur bâche pour imager l’expression bien connue des artistes novateurs « scier la branche ». Les remparts du village affichent une toute nouvelle douceur grâce au rose tendre saupoudré par Morgane Tschiember désireuse d’évoquer à sa façon le fameux lalyrinthe de Miro. « Tracer une ligne tout en se promenant sans jamais perdre le fil… ».

Le sculpteur britannique Antony Gormley a ancré une étrange « créature » de fonte, un « Big switch » qui se détache dans l’azur du ciel (voir ci-dessous).

Une résidence d’artiste accueille, dans la maison atelier du poète André Verdet, Quentin Spohn,. Un merveilleux dessinateur qui allie la virtuosité du trait à une imagination débordante. Quelques exemples d’un choix judicieux.

Cette biennale, construite sur le thème « Média-terra », autrement dit la mer entre deux terres, permet de renouer avec la grande tradition saint-pauloise d’accueil des artistes contemporains. Un parcours d’une richesse exceptionnelle pour visiter le village d’une façon inédite tournée vers l’avenir.

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Jusqu’au 31 aout 2018, dans les rues, sur les places et les remparts de Saint-Paul de Vence

 

 

 

Les chutes d’Iguazu, pure Argentine

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La jungle, l’air humide et suave, la formidable énergie de l’eau. Visiter les chutes d’Iguazu, la Septième Merveille du monde (elles ont été ainsi nommées en 2011 après avoir figuré au patrimoine mondial de l’UNESCO), tient plus d’une initiation que d’un simple périple touristique. Il y a ici quelque chose d’indicible et de puissant qui incite à une réflexion profonde sur la nature, l’humanité et l’univers. Cet indicible qui forge l’identité des indigènes, un peuple noble et souriant que l’on peut rencontrer au gré d’une promenade dans la forêt tropicale. Rassemblés dans un village doté d’une école et d’un terrain de sport, les indiens guaranis fabriquent des petits animaux en bois évoquant ceux de la jungle (toucans et coatis) et des bijoux. Ils vivent selon leurs coutumes ancestrales et essaient de préserver leur âme.

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La légende raconte qu’une jeune fille était sacrifiée à la rivière afin de calmer les mauvais esprits. Elle était précipitée dans les bouillonnantes Gorges du Diable hautes de 80 mètres. Aujourd’hui ce sont les visiteurs qui se frottent à la clameur des lieux  et tentent d’immortaliser des instants de grâce. Mais l’eau, sauvage et puissante, continue sa course effrénée nous mettant à chaque instant en mémoire l’adage d’Héraclite selon lequel on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve. C’est ce mouvement, symbole de vie et d’avancée vers l’ailleurs, qui rend ces lieux magiques.

IMG_E5213Les cascades se suivent sans se ressembler, poursuivent leur cours et l’Iguazu se jette dans le Paranà au niveau de la ville argentine de Puerto Iguazu après un parcours d’environ 1 320 kilomètres.  C’est le point remarquable de la triple frontière d’où le regard embrasse l’Argentine, le Brésil et le Paraguay.  Un autre moment d’exception dans ce parc national où la nature semble reine et où seules les lianes viennent contrecarrer l’envol des vautours, la danse des papillons et les soubresauts des petits mammifères. Une sorte de paradis. 

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Raymond Depardon, le regard de la pensée à la galerie Lympia à Nice

IMG_4198« Dieu a donné deux ailes : la simplicité et la pureté ». Je ne sais si Raymond Depardon est croyant ou agnostique. Mais dans tous les cas les deux qualités ici louées par Honoré de Balzac ne cessent de favoriser son envol vers une grandeur que révèlent à tout instant son humanité et son humilité.

Issu de la ruralité dans ce qu’elle a de plus émouvant et authentique, Raymond Depardon ne se départit jamais de l’ancrage qui est à l’origine de son parcours. Lui qui a traversé les océans, les déserts et les folies du monde, son appareil photo en bandoulière et chevillé au corps, reste finalement l’homme du souvenir et d’une certaine nostalgie. C’est ce mélange de sens de l’actualité et de réflexion intemporelle qui donne leur dimension à ses clichés superbes, profonds, universels. L’ici et maintenant restent la clé, dessinent les tribulations d’un homme profondément attaché au témoignage mais ses photographies échappent à la datation et à la géographie. Le désert vu par Depardon, qu’il se situe au Tchad, en Mauritanie ou en Erythrée c’est l’immensité face à l’humain qui marche, le vide et le plein, la rudesse et l’espoir d’une oasis.  « Le désert est un endroit où il faut perdre du temps, un endroit qui se mérite » dit-il.

DER1986006W00050/20A-21L’enfermement, qu’il soit maison d’arrêt ou asile, c’est la prison intérieure, l’angoisse qui ronge, le délire qui effraie, la dépression qui isole. Voilà ce que l’on ressent devant ces images captées dans les hôpitaux psychiatriques italiens. « Un  jour -raconte Raymond Depardon- je fus surpris de ne plus avoir aucune émotion en faisant mes photos… J’étais devenu trop lucide. Je n’avais plus peur des fous. j’ai arrêté aussitôt. Je suis rentré à Paris et je n’ai plus jamais fait de photos à San Clemente » (1).

Il fallait donc pour préserver intact le regard de la pensée que l’affect y soit, que jamais la technique photographique ne parvienne à supplanter l’œil imbibé d’émotion. L’exposition actuellement présentée à la galerie Lympia à Nice sous l’intitulé « Traverser » nous guide dans l’œuvre multiple d’un photographe unique en son genre. Témoin de son temps, enraciné dans la France profonde où se situait la ferme familiale, voyageur infatigable, reporter sur les champs de douleur, amoureux de Marguerite Duras dont la tombe porte les mêmes initiales que sa maman, Marthe Depardon. Une exposition essentielle.

(1) Située au centre de la lagune de Venise, l’île de San Clemente passa dans les mains des Autrichiens qui y firent bâtir l’Asile central des femmes de la Vénétie en 1880, lequel fut fermé en 1992. Avant la fermeture de l’asile d’aliénés, Raymond Depardon y a tourné un documentaire, en 1980, »San Clemente »

Jusqu’au 16 septembre. Raymond Depardon Traverser. Galerie Lympia. 2 quai Entrecasteaux. Nice

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(1)Située au centre de la lagune de Venise, l’île de San Clemente passa dans les mains des Autrichiens qui y firent bâtir l’Asile central des femmes de la Vénétie en 1880, lequel fut fermé en 1992. Avant la fermeture de l’asile d’aliénés, Raymond Depardon y a tourné un documentaire, en 1980, »San Clemente »

Hierro à la Menuiserie, un jardin extraordinaire…

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Des fleurs partout, des arabesques, des voltiges, de mystérieuses inscriptions et des couleurs vives, chaudes, lyriques. Après avoir été près d’un mois en résidence à l’espace d’art « La Menuiserie », à Nice, Jean-Antoine Hierro expose en ce lieu atypique et vivifiant le fruit d’un travail poursuivi tour à tour dans un silence contemplatif ou accompagné par des artistes musiciens.

Des œuvres livres, enlevées à la fois figuratives et abstraites qui se déploient sans contraintes ni limites dans ce que l’artiste a choisi de nommer « Urban Garden ». « Un jardin de liberté – dit-il –  dans lequel nous essayons de libérer nos énergies positives comme contrepoids à un quotidien urbain anxiogène ». Un jardin dans la ville porteur d’espoir et de gaieté.

Après cette exposition niçoise les peintures traverseront l’Atlantique pour être exposées à la galerie 345, à New-York, où Jean-Antoine Hierro sera en résidence durant un mois afin de réaliser le second volet de ce voyage artistique riche en échanges et découvertes.

Début 2019, l’exposition complète des œuvres, photos et films réalisés au cours de cette double aventure se tiendra à nouveau à Nice. Avec, à la clé, à n’en pas douter de nouvelles surprises.

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Jusqu’au 15 avril. “Hierro : Urban Garden“
La Menuiserie – Centre d’Art
116 boulevard de la Madeleine, cour intérieure Bleu de France, Nice (ouvert de 10 à 12h et de 14 à 18h)

Lee Bae au charbon à la Fondation Maeght

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« Plus de lumière »: c’est le titre de l’exposition de printemps chez Maeght. Lee Bae, qui vit et travaille aujourd’hui à Paris, est l’un des plus grands artistes coréens de notre époque.  Son œuvre construite autour de mélanges subtils hérités d’un art abstrait occidental comme l’arte povera puise également dans les codes et pratiques artistiques traditionnels de la culture coréenne. Elle trouve à la Fondation l’écrin le plus propice qui se puisse imaginer. L’idée de nature s’exprime  par le feu, le charbon, les bois brûlés mais l’action de l’homme et sa capacité à transformer la matière sont également ici mises en scène.

Tout commence, comme souvent, dans les jardins où des sculptures jouent la mélodie du noir en jouant sur les reflets du soleil. Des scintillements qui produisent une infinitude de nuances. Lee Bae utilise les formes noires, les fonds blancs, l’ombre et la lumière pour dessiner un paysage intérieur où les éléments s’imposent comme l’expression philosophique d’un certain rapport au monde. Poésie, réflexion, force et vitalité se conjuguent ici pour exprimer une façon singulière d’exister.

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« J’aime le charbon, il est issu du feu. Il est la dernière substance des objets. J’exprime les images vitales avec de la matière morte: le charbon ». Ci-gît un paradoxe pourrait-on dire. Et pourtant… On peut trouver lumineuses et incroyablement vivantes les œuvres de Lee Bay car précisément le noir dense et profond du charbon est égayé par la couleur laiteuse obtenue grâce à la résine et à l’acrylique. Des strates qui froment une espèce de carapace pour des tableaux issus du feu sans doute mais tournés vers le soleil. Des nuances subtiles, des reflets changeants, des appels à la rêverie ou à la réflexion, c’est selon. L’univers pictural et sculptural de Lee Bay épouse ici l’esprit des lieux. « La Fondation Maeght me fait penser à un monastère. De la même manière que devant les temples coréens il y a toujours une grande statue pour combattre le diable… ». Et c’est sans doute l’une des raisons pour lesquelles, que l’on soit ou non agnostique, on ressent ici quelque chose de l’ordre du divin.

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Jusqu’au 17 juin. Fondation Maeght. 623 chemin des Gardettes. Saint-Paul. Tel. 04.93.32.81.63

Rose de Chine, nouvelle muse de Quentin Derouet qui expose chez Helenbeck

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« Au sud des nuages », c’est le titre de l’exposition mais aussi la traduction du nom de la province Yunnan, au sud de la Chine, où le peintre Quentin Derouet était en résidence ces temps derniers. Il est de retour avec de nouvelles toiles qu’il présente à la galerie Helenbeck qui suit son travail depuis qu’il a quitté l’école d’art de la villa Arson où il s’était déjà distingué.

Quentin Derouet a pris d’emblée le parti de la rose. La reine des fleurs au symbolisme fort, associée à la vie, à l’amour, à la mort, au pouvoir,  à la suavité, au parfum…. Elle lui inspire des œuvres raffinées. A l’affût des traces les plus prégnantes, de la déliquescence la plus pure, des cendres brunes, des pigments délicats, des pétales les plus juteux, le peintre poète utilise la couleur qui vient de la fleur. Rouge sang elle donne un violet puissant lorsqu’elle est meurtrie. Brûlée, elle laisse des filets bistre…

IMG_4060.jpgQuentin Derouet s’est installé chez le plus grand producteur de roses d’Asie. Il nous revient avec des peintures délicates, étranges, captivantes. Laissons lui la parole. Il a écrit ces mots durant son séjour « Au sud des nuages ».

 » A l’un des autres bouts du monde, au bord d’une autre rivière, les hommes meurent et tombent amoureux aussi. Les roses laissent la même trace sur du papier et elles décorent les mêmes vitrines de mauvais goût. Entre deux éclaircies, il pleut sur mes toiles qui sèchent dehors, le violet se dilue et les roses de demain éclosent… Et toi aujourd’hui, je te brûlerai, te diluerai, te laisserai moisir, je te jetterai à la rivière, te presserai pour recueillir ton jus, je te sèmerai sur des toiles, je t’écraserai et je te libérerai.

J’écrirai avec toi que le soleil se couche et se lève, que les oies marchent dans la boue, que le vent s’engouffre dans les eucalyptus.

Plus que jamais j’ai le sentiment de devoir faire des tâches de rose »

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Jusqu’au 2 juin. Galerie Helenbeck.  6 Rue Defly,  Nice. Tel 04 93 54 22 82

Comment va le monde? Il ne tourne pas rond mais nous prend dans sa ronde, au Théâtre des Déchargeurs

Michel Favreau

Epoustouflant! Un petit corps plutôt fragile, un regard turquoise d’une rare intensité, des mains qui se baladent dans les airs pour scander le désarroi, une voix claire, plutôt douce, percutante pourtant. Voilà un clown au féminin qui nous laisse pantois et… ravis. Marie Thomas incarne au théâtre des Déchargeurs, à Paris, ce personnage sans âge, sans sexe, sans appartenance, sans pays mais avec une grande âme qui nous dit avec un point d’interrogation (qui n’en est pas un) « Comment va le monde ».

Et les mots jouent avec les maux, à moins que ce ne soit l’inverse. Ils s’étirent bizarrement, jouent sur les syllabes, la polysémie, les signifiants. On ne peut pas parler de jeux de mots car cela va beaucoup plus loin. La poésie omniprésente chasse le blues; l’interprétation, magnifique, ne laisse pas une seconde à l’ennui. Le public, captivé, sourit de bonheur sans discontinuer, rit souvent et quitte le théâtre sur un petit nuage pourtant bien gris. Car le monde va mal, on le sait bien. Mais l’art, on le sait aussi, transporte et chasse les idées noires.

Merci à l’auteur Marc Favreau pour sa langue délicate et ciselée, merci au metteur en scène Michel Bruzat et merci à la comédienne Marie Thomas, exceptionnelle.

Jusqu’au 31 mars, du mardi au samedi à 21h30. Théâtre des Déchargeurs, 3 rue des déchargeurs. Paris 1er. Métro Châtelet.

Martin Miguel bétonne ses couleurs chez Depardieu

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On le sait bien, chez Lacan la guérison vient de surcroît. On ne l’attend pas, elle ne constitue pas l’objectif de la cure. Chez l’artiste Martin Miguel on peut dire que les affects interviennent malgré lui. Il n’en veut pas. Il travaille d’arrache pied en suivant des procédures élaborées, bien précises, loin des hasards de l’inconscient. Ce déconstructeur de la peinture de chevalet, cet inventeur de nouveaux supports, inverse les processus. Il ne s’agit pas de mettre de la couleur sur une toile, un mur, des pierres ou des morceaux de bois mais d’utiliser la couleur d’abord, d’en sortir une forme par décrochement ou effondrement de la matière.

IMG_4011Martin Miguel présente à la galerie Depardieu, à Nice, ses « cordeaux espiègles ». Des structures de béton armé devenues par la magie d’une opération qui nous dépasse des œuvres captivantes. On ne sait par quel bout les prendre, quoi en penser, quoi dire de l’esthétique qui nous ébranle pourtant. Le beau ici aussi vient de surcroît, là même où l’on ne le souhaite pas, l’artiste étant bien conscient de la relativité de cette notion mais s’il s’agit d’une facétie on applaudit pourtant car le regard est captif. Il devient difficile de se détourner de ces ciments enrichis de copeaux de bois, pigments vifs et huile de lin lascive. Cordeaux espiègles certes mais que l’on a envie d’emporter avec soi.

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« Cordeaux espiègles » de Martin Miguel. Jusqu’au 24 mars . Galerie Depardieu. 6 rue du Dr Guidoni. Nice  www.galerie-depardieu.com