Un capharnaüm insensé au rez-de-chaussée d’une villa au charme suranné. Dans le jardin, des petits personnages de BD jouent avec des poissons… C’est l’atelier Moya. Crayons et pinceaux en désordre, bibelots sans intérêt apparent, mélange kitch de souvenirs dérisoires et de tableaux 19e semblant rescapés d’un autre univers. Univers très lointain du Moya land imaginé par l’artiste pour une seconde vie asseyant sa notoriété dans le monde virtuel de la création vive.
Le moi Moya est constitué de paradoxes et c’est sans doute ce qui fonde son pouvoir d’attraction. Il expose aujourd’hui son « cas », à savoir ses facettes modèle stroboscope, à la galerie Lympia. Quel chemin parcouru depuis ses années Bohème où il posait nu dans les cours de dessin! J’avais publié sa photo dans le quotidien régional. « Sans doute la première photo de nu dans Nice-Matin… » ironise-t-il aujourd’hui. Je n’ai pas vérifié. Mais ce qui me frappe lorsque je regarde le fil rouge qui relie ses premières créations toujours construites avec les quatre lettres de son nom et ses performances actuelles capables d’enflammer un vaste auditoire par la virtuosité du geste pictural c’est une espèce de frénésie du dire.
Partant de rien ou plutôt d’une toile noire, Moya peut donner vie en direct aux petites créatures qui peuplent son île. Cirque avec chapiteau, rideau, marionnettes, la brebis Dolly et… Pinocchio. Entre ange et démon tout un peuple de bonshommes et d’animaux farfelus et sympathiques. Avec bien entendu toutes les tonalités de l’arc en ciel histoire de faire décoller encore plus facilement vers le pays merveilleux de l’enfance où tout est possible. Moya, on le suit depuis des années. Il évolue, se perfectionne, innove mais ne grandit pas. Pour le grand bonheur des afficionados.
Moya déteste le silence, le vide, le repos. Bon pour les cimetières sans doute! Que l’on aime ou pas ses personnages de dessin animé, ses brebis maquillées façon star, ses fresque délirantes, on ne peut que frissonner devant une telle profusion, une telle générosité.
Mettre de l’ordre dans sa tête au moyen d’un vaste désordre extérieur (c’est inversement proportionnel paraît-il…), s’exposer sans peur ni retenue, donner du bonheur en suscitant l’interrogation sur la réalité grise ici mue en orgie colorée. Le destin Moya est peut-être fait de ce pari fou: balayer la morosité. Faire de l’art pour que les visiteurs adhèrent à cette utopie chamarrée. Bien-sûr, le nom du père, la folie de Narcisse, la peur de la vacuité ou la tentative désespérée d’abolir la mort… On peut tenter de défaire des nœuds gordiens. Mais ce qui reste, en fin de pelote, c’est ce fabuleux appétit de vivre que Moya nous fait partager du côté du port de Nice.
« Le cas Moya ». Jusqu’au 11 mars 2018. Galerie Lympia, 52 boulevard Stalingrad
NICE