« Un été avec Homère », Sylvain Tesson plonge dans l’Iliade et l’Odyssée

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Loin de la pensée solitaire dans les forêts du lac Baikal, loin des cimes himalayennes conquises au prix d’efforts surhumains, loin des chemins escarpés de notre douce France, Sylvain Tesson qui vient de recevoir à Antibes le Prix Audiberti, a plongé dans « L’Iliade et l’Odyssée » pour éclairer notre monde. Pour lire notre modernité, ses remous, ses cyclones, ses incertitudes et ses pièges à la lumière de cette aventure homérique fondatrice. 

Isolé dans la lumière criante d’une île des Cyclades il a vécu son « Été avec Homère » dans le sifflement du vent et les caresses des embruns. Rien de physiquement insurmontable cette fois mais une réflexion rassemblée sur l’histoire de l’humanité. 

Car le déchaînement des dieux, les combats des Troyens, la fougue des guerriers, tout ceci peut être transposé dans le monde d’aujourd’hui. « L’Iliade sonne actuel parce qu’il est le poème de la guerre. En deux mille cinq cents ans, la soif du sang pulse toujours. Seul l’armement a changé…. Le sanglot de la guerre ne se tarira pas. Il court par-delà l’horizon. Nous devrions le savoir et nous hâter de jouir de la paix ». Sylvain Tesson nous met en garde contre la folie technicienne déjà pointée par Heidegger et contre l’hubris, cette « chienne égareuse » comme il la nomme qui engendre la démesure, la course effrénée vers le plus, l’augmentation, l’accumulation, l’avoir, au mépris de l’être… 

« Nous menons une guerre ce Troie contre la nature. Nous avons soumis la Terre à notre bon vouloir. Nous l’avons pliée à notre seul désir, nous avons trafiqué l’atome, la molécule, la cellule et le gène… ».

Est-il pire combat que celui qui vise à anéantir la planète? Sylvain Tesson, en relisant Homère, tire la sonnette d’alarme. Il le fait avec ses mots, avec sa sensibilité et une acuité du regard qu’il doit sans doute à la fréquentation quotidienne des monts et forêts, des mers et océans, des brins d’herbe et de l’écume des vagues. A lire de toute urgence et, si possible, à méditer à l’abri d’un chêne, symbole de force et de pérennité. 

« Un été avec Homère » aux éditions Equateurs France Inter

Les rêves en couleurs de Mirò au Grand Palais

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Itinéraire d’un homme libre, curieux de tout, hostile aux étiquettes et incroyablement inventif. La rétrospective Mirò au Grand Palais, à Paris, nous offre une vision globale d’un cheminement parsemé de trouvailles, enrichi par la proximité des penseurs et sublimé par le génie des poètes.

Comme l’écrit Jean-Louis Prat, commissaire de l’exposition, ancien directeur de la Fondation Maeght et grand ami de l’artiste,  » Miró a su créer un alphabet qu’on ne connaissait pas en peinture. C’est un langage dont nous avons besoin aujourd’hui, qui n’est ni figuratif ni abstrait et qui invente quelque chose en relation avec l’esprit, un univers ouvert au monde ». De fait, à l’écart des modes, ignorant les courants qui poussent certains  à œuvrer « à la manière de… », Mirò a puisé l’inspiration dans les objets du quotidien, s’est laissé conduire par son instinct et a métamorphosé les formes un peu sans le vouloir.

Extraordinaire plasticité de la représentation, facéties des figures qui semblent prendre leur envol en faisant fi des règles, audace, imagination… Mirò a côtoyé les poètes de son temps et s’est laissé porter par des semelles de vent dans leur univers novateur et bouillonnant. Michel Leiris, Roland Tual, Georges Limbour, Armand Salacrou, Georges Bataille, Robert Desnos, Tristan Tzara, Antonin Artaud, Raymond Queneau, Max Jacob… Ils étaient tous là ouvrant des voies nouvelles, balayant les mots du passé. Mirò a suivi leur traces à sa façon, avec ses couleurs, ses lignes, ses personnages ludiques, ses soubresauts.

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Près de 150 œuvres majeures sont réunies au Grand Palais, dans un écrin d’un blanc sobre et lumineux, pour cette rétrospective qui permet de découvrir toutes les facettes d’un artiste ayant marqué de son empreinte la modernité. Peintures, dessins, céramiques, sculptures, livres illustrés proviennent de  collections et musées prestigieux. Et la scénographie permet de suivre l’évolution du « fauve catalan » qui devait un jour créer le fabuleux labyrinthe qui serpente dans les jardins de la Fondation Maeght. Mirò ne se départira jamais cependant de ses origines et le tragique espagnol affleure dans certaines compositions. Les couleurs de ses rêves rejoignent sans doute les réminiscences de cauchemars liés à l’Histoire. L’humour et le sang se mêlent dans une merveilleuse tentative pour dire l’espoir omniprésent en des jours meilleurs.IMG_6323.jpg

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Jusqu’au 4 février 2019. Galeries nationales du Grand Palais. Paris

L’âme de Cocteau ressuscitée à Saint-Jean-Cap-Ferrat

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Magnifique initiative à Saint-Jean-Cap-Ferrat. Un festival a ressuscité l’âme de Jean Cocteau. Textes murmurés, lectures inspirées, musique, chant, danse… Les spectacles ont évoqué les multiples facettes de ce touche-à-tout de génie qui avait entièrement décoré une somptueuse villa du Cap devenue un lieu mythique. « Santo Sospiro » a entamé une nouvelle vie.

Le poète, ayant trouvé l’inspiration dans ce havre de paix s’ouvrant sur l’horizon marin, avait entrepris de tatouer les murs de cette demeure devenue ainsi unique et inestimable sur le plan artistique. De nouveaux propriétaires (la famille Melia) viennent d’effectuer une restauration importante afin de donner un souffle nouveau à cette maison en y organisant expositions, concerts et représentations théâtrales. Dans leur sillage, deux « chefs d’orchestre » ont mis sur pied ce premier festival. Carole Weisweiller, fille de la grande amie du poète Francine et auteure du livre ayant inspiré le spectacle « Je l’appelais Monsieur Cocteau » et Eric Marteau, guide et secrétaire général de la villa Santo Sospir, ont continué à écrire l’histoire en organisant cet événement artistique au port de Saint-Jean et à la villa Kérylos.

La magie a opéré avec la soprano Felicity Lott  qui a enthousiasmé le public en interprétant des chansons écrites par Jean Cocteau. Ceci lors d’un cabaret impromptu « Le boeuf sur le toit » nous replongeant dans ces années de création vive, d’innovation et de fronde artistique. Une soirée mémoire, émotion et nostalgie.

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