La femme selon Serge Della Monica

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« Les femmes, elles me traversent… ». Serge Della Monica n’a de cesse de traquer l’éternel féminin. Il promène son objectif dans les cabinets secrets, dans les boudoirs de ses modèles, au premier rang desquels Pina Baush. Une rencontre, déterminante. La grande dame a reçu le photographe, a aimé ses mises en scène, a croisé son regard. Le résultat? De superbes clichés dune extrême vérité.

Mais Serge a aussi d’autres modèles. Des femmes simples, vraies, généreuses. « Ce sont des comédiennes. Lorsque je les photographie elles donnent tout. C’est fabuleux ». Effets de cadrage, ajouts de brisures, éléments de décor, esquives ou gros plans… Un véritable travail d’artiste qui donne des images neuves, surprenantes. Serge Della Monica offre ses « visions rebelles » aux convives de « La belle verte », un estaminet pas comme les autres qui privilégie les produits du terroir et qui, lui aussi, voit les choses autrement.

« Visions rebelles ». Serge Della Monica. Jusqu’au 30 janvier 2016. « La belle verte », 60 rue Dabray. Nice

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La rose sur tous les tons par Quentin Derouet à Nice

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Chantal Helenbeck et Quentin Derouet devant « Les larmes d’Eros ».

La rose, reine des fleurs. Symbole de passion folle ou d’amour kitch, c’est selon. La rose du Petit Prince ou d’un grand monarque de la République, comme on voudra. La rose sans cesse louée, peinte, fanée, recommencée. La quintessence de l’éphémère. Immortelle pourtant dans son langage. Fragile, caressée par le vent, brûlée par le soleil, écrasée par l’inconscience des hommes et par… le talent d’un jeune homme épris de cette idée d’éternité.

Quentin Derouet expose ses dernières œuvres à à la galerie Helenbeck, à Nice. Il a pris le parti de la rose. Immergé dans l’univers odorant des jardins Meilland, le jeune artiste a fait une cour pressante à chacune des belles. A l’affût des traces les plus prégnantes, de la déliquescence la plus pure, des pétales les plus juteux. Sur la toile la couleur vient de la fleur. Rouge sang elle donne un violet puissant lorsqu’elle est meurtrie. Brûlée, elle laisse des filets bruns. Mélangée à l’eau, elle permet une peinture légère, onirique, des formes étranges aux mille visages.

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Agé de seulement 27 ans cet élève fraîchement sorti de la villa Arson, lauréat en 2012 du Prix de la jeune création de Nice, a déjà effectué un parcours étonnant. Après avoir présenté l’an dernier à la galerie Helenbeck des photographies tendres, des compositions aléatoires poussant la poésie jusqu’à élaborer un parfum insolite baptisé « intention » sorti d’un distillateur dans lequel avaient été placées toutes ses œuvres, il revient aujourd’hui avec un travail très abouti qui intéresse des collectionneurs avertis. Avec modestie il nous avait confié « Je pense que l’art doit être quelque chose de très simple qui coule comme cela vient… ».

La vérité en art tient sans doute à ces mots si jolis qui sortent de sa bouche lorsqu’il dialogue avec sa galériste. Un jour Chantal lui avait murmuré:  » Si tu dis déjà une seule chose dans ta vie c’est beaucoup ». « J’ai compris que ce trait de rose est peut-être une des seules choses que j’avais à dire. Qu’avais-je d’autre à dire que d’écraser une fleur pour laisser une trace? » interroge Quentin.

Il va continuer ses recherches sur la peinture et la rose, réaliser une grande roseraie afin d’y bâtir une cabane atelier. S’y réfugier, méditer, expérimenter, traquer les meilleurs pigments et travailler. Sans angoisse, avec force. Car sans doute le sait-il s’il n’ose encore se référer aux mots d’Holderlin « Ce qui demeure, seuls les poètes le fondent »…

« Les larmes d’Eros ». Quentin Derouet. Jusqu’au27 février 2016. Galerie Helenbeck. 6 rue Defly. Nice. 

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Picasso.mania, la frénésie de l’œil au Grand Palais

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L’éclectisme, ma foi, je trouve que c’est plutôt une vertu. Sauf lorsque le panorama est entravé par une vision monomaniaque des choses et de l’histoire. Cette pensée m’est venue à la sortie du Grand Palais où se tient la grande exposition hivernale de Paris, « Picasso.mania ». Un dédale de constats convenus sans distanciation possible. Rien ne sera comme avant « Les demoiselles d’Avignon », on savait. Tous les plasticiens doivent faire avec, qu’ils acceptent ou fustigent cet héritage, sans doute. Picasso est devenu un style, un mythe, un monument, presque un nom commun. Celui d’une Citroën à succès par exemple. Pour ma part, je pense à un infographiste de « Nice-Matin » que l’on avait ainsi baptisé. « Il te faut un dessin, une carte, une courbe statistique? Demande à Picasso! ».

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Trêve de galéjade, le parcours émaillé (encore!) d’une œuvre de Jeff Koons dont on se passerait volontiers et, pire, de la sculpture dérision (ou dérisoire) de Maurizio Cattelan à l’effigie du Maître, réserve tout de même quelques bonnes surprises. A l’entrée tout d’abord avec une fresque de personnages clignant des yeux, souriant et regardant en l’air qui, chacun à son tour, dit quelques mots sur Picasso. Un mur de vidéos, de courtes interviews d’artistes contemporains réalisées par la petite fille du maître, Diana Widmaier-Picasso. On apprend ainsi qu’Agnès Varda aurait bien pu tomber amoureuse de Picasso si elle l’avait rencontré…

Côté cinéma c’est d’ailleurs plutôt réussi. L’exposition montre les citations que réalisateurs, chorégraphes, vidéastes doivent à l’inventeur du cubisme. Jean-Luc Godard et Orson Welles ont rendu hommage à l’œuvre du peintre espagnol mais bien d’autres, sans en être forcément conscients, puisent chez lui des images, des lignes, un foisonnement, une façon de déformer le réel pour mieux le révéler. Et ici, lorsque « Picasso crève l’écran », Frank Stella promène ses tubes d’acier et ses tiges transparentes dans la salle obscure. Magique.

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« Guernica, icône politique », voici une autre étape dont on ne sort pas indemne. L’œuvre dit superbement non au fascisme en 1937 et, dans son sillage, le film « Guernica » réalisé en 1978 par Emir Kusturica exprime avec une intense émotion les maux qui en découlent.

Bien d’autres salles, dont celle consacrée à Jasper Johns dont on admire les « Quatre saisons » nourries d’ingrédients cueillis dans les peintures de Picasso, attendent le visiteur dont l’œil frénétiquement tente de capter toutes ces énergies qui s’entremêlent et parfois se combattent. Et, au bout du compte, on quitte cette exposition en faisant sienne la formule du peintre Vincent Corpet: « On ne pense pas Picasso, on le subit ».

Jusqu’au 29 février 2016. Galeries nationales du Grand Palais. Paris. http://www.grandpalais.fr

 

 

 

 

 

Les Ovni ont envahi l’hôtel Windsor à Nice

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La galaxie hôtelière a été bouleversée par une invasion (pas vraiment imprévue) d’objets visuels inédits pas vraiment inscrits dans la charte touristique. Il est vrai que le Windsor en a vu d’autres. Cet établissement situé en plein centre de Nice a toujours fait preuve d’une ouverture d’esprit exceptionnelle et d’un goût très sûr en matière artistique. La création vive invitée dans chacune des chambres donne à cet hôtel une signature unique.

Le premier festival d’art vidéo nous a transportés sinon dans l’espace du moins dans un voyage sidéral  nous permettant de découvrir des œuvres étonnantes provenant de différents pays avec, dans le rôle de l’invitée d’honneur, la Corée du Sud.

Un vrai spectacle itinérant de chambre en chambre, côté cour et côté jardin où « les migrateurs viennent se reposer des agitations éoliennes ». L’hôtel cache en son sein une oasis de verdure parée pour l’occasion d’un écran géant.

Cet événement a rassemblé des grands musées et a fédéré des galeries niçoises.  Poésie ou provocation, minimalisme ou foisonnement d’images, graphisme ou envolée de lignes échevelées… Un vrai festival avec une grande diversité d’expressions artistiques. Mon coup de cœur: « L’Adieu » d’Yves Caro. Près de trente minutes de pur bonheur mêlant nostalgie et humour,  grâce et énergie. La frénésie de Fred Astaire, les accents romantiques de la musique de Gustav Malher, la fougue divertissante de la comédie américaine et, sous-jacente, une vraie réflexion sur nos vies, nos rêves, nos émotions.

Hôtel Windsor. 11 Rue Dalpozzo, 06000 Nice. Tel 04 93 88 59 35

 

« A tort et à raison »: Courez vite à Anthéa!

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Merveilleux. Michel Bouquet, droit comme un i, imposant, vrai, immuable. Michel Bouquet interprétant avec un phrasé inimitable la pièce de Ronald Harwood « A tort et à raison » sur le plateau de la salle Audiberti à Anthéa. Un grand moment de théâtre dans cet immense navire qui regarde le Fort Carré et s’ouvre sur la Méditerranée.

Un symbole tant il est vrai que ce texte ciselé avec art ne connaît pas d’horizon fixe. Loin de toute vision manichéenne il pose la question de la responsabilité de l’artiste tiraillé entre le respect de l’homme et la passion du beau. Il n’est pas possible de répondre même si l’on est tenté d’affirmer que rien, absolument rien, n’égale une vie, a fortiori des millions de vies. Quel que soit le génie de ce chef d’orchestre hors pair incarné avec âme par Michel Bouquet la moindre sympathie pour le régime nazi ne peut être abolie même par des actes de bravoure. Tel est mon sentiment mais il n’engage que moi.
En revanche le triomphe réservé à cette pièce lors de la première représentation à Antibes me permet d’affirmer que je suis pas la seule à avoir fondu de bonheur devant ce spectacle de très haut vol. Je n’oublierai sans doute jamais ces mots sortis comme une mélodie de la bouche de ce géant de la scène lorsqu’il explique la différence entre un musicien virtuose et un très grand musicien. Le second découvre une partition, à chaque fois qu’il la joue, comme si c’était la première fois… Candeur, pureté, étonnement, tâtonnements peut-être… Voilà les qualités propres également aux grands comédiens. Ceux qui se répondent et s’interpellent dans « A tort et à raison » sont de cette trempe.

Dépêchez-vous! Courez à Anthéa. la pièce est à l’affiche ce soir vendredi et demain samedi .

« A tort et à raison » dans une mise en scène de Georges Werler. Vendredi 4 et samedi 5 décembre à 20h30. Anthéa. Antipolis théâtre d’Antibes. 260 avenue Jules Grec. Tél. 04.83.76. 13 .13

 

 

Fausto Melotti dans le miroir à Monaco

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Qu’est ce qui signe une grande exposition? Le choix des œuvres bien entendu mais aussi, et c’est souvent ce qui fait la différence, la scénographie. Lorsqu’on présente un artiste de stature internationale tout est dans la mise en scène. C’est le cas pour Fausto Melotti dont l’oeuvre sculpturale prend au Nouveau Musée National de Monaco (villa Paloma) une autre dimension grâce à de savants jeux de miroir qui en rehaussent l’impact et le volume.

La collection de céramiques se duplique elle aussi dans les glaces. Chaque pièce livre ainsi d’autres contours que l’œil ne pourrait percevoir simultanément sans cette présentation astucieuse. Danse des lignes, dialogue entre les formes et immersion dans un univers polymorphe.

Une vingtaine de sculptures en métal et un ensemble de 70 céramiques pour redécouvrir un artiste majeur qui, à Monaco, prend un nouveau visage. Dans le miroir.

Jusqu’au 17 janvier 2016. Villa Paloma. 56 Bd du Jardin Exotique. Monaco

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