Franta à Vence: Un homme, une œuvre

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Il existe des hommes doués pour la transmission. Capables de nous emporter vers le meilleur sans éclats, sans didactisme ni message sermonneur, par la seule force de leur être, de leur art. Franta, qui expose au musée de Vence, est un passeur, un penseur qui utilise les lignes et les couleurs comme un lexique singulier pour dire la condition humaine dans ses douleurs, ses contradictions, ses exigences, son universalité. Et pour nous inspirer la tolérance sinon l’empathie.

Il est impossible de regarder ses peintures sans percevoir la fore inouïe des peuples qu’il a rencontrés, notamment en Afrique. Des silhouettes dont les contours ses confondent avec les paysages. Une force tellurique émane d’elles. « C’est leur vigueur qui transforme les peuples africains, victimes historiques, en corps rayonnants… L’œuvre de Franta en fait des  acteurs symboliques d’espoir pour notre  monde » . Ces mots d’Olivier Kaeppelin, directeur de la Fondation Maeght expriment la puissance étonnante de ces tableaux coups de poing.

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Après avoir écouté le silence assourdissant du désert, après avoir rencontré les jeunes d’Harlem, après avoir été le témoin bouleversé d’un gardien lâchant ses chiens sur un rôdeur (une scène à l’origine d’une peinture terrible, « Rage »), Franta est revenu aux fondamentaux, à l’origine du monde. Tableaux saisissants d’une mise au monde, soubresauts de l’enfantement avant les « Premiers pas » , une toile qui exprime l’amour inconditionnel, la protection innée.

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Nous l’avions écrit précédemment, Franta est un grand artiste mais également un être lumineux. Incapable de compromis, rebelle dans l’âme, vrai. Un grand Monsieur. L’exposition vençoise marque « Le temps d’une œuvre ». Un grand moment.

Franta. « Le temps d’une œuvre ». Jusqu’au 21 mai. Musée de Vence. 2 place du Frêne.

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L’ancien bagne devient une galerie, Raph Gatti l’inaugure

img_3868Au bout du quai, en prise directe sur la Méditerranée, visant l’horizon bleu, l’ancien bagne de Nice est devenu une galerie. Une rénovation importante et judicieuse menée par le Département, enrichissant la ville et le port Lympia d’un lieu culturel nouveau. Pour inaugurer ce vaste espace au charme suranné: « le regard de l’amitié » signé Raph Gatti. Un photographe né à quelques encablures, du côté de Garibaldi, et devenu le témoin privilégié des grands moments de la Côte d’Azur. Raph a rencontré les plus grands artistes et a su capter l’émotion furtive d’une mimique, la vivacité d’un regard, la symbolique d’une posture. Avec bienveillance, patience et cet art bien à lui de saisir l’essentiel. Le rayonnement d’une âme, par-delà les atours et colifichets.

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Il y a quelque temps hommage était rendu par la galerie Sapone à Raph Gatti. Voici le texte que j’avais alors écrit pour le livre paru à cette occasion, texte pouvant également illustrer cette exposition qui se tient aujourd’hui à la galerie Lympia:

Raph Gatti, photographier avec le cœur

Il avait un don exceptionnel pour faire tomber les masques et ouvrir les visages. Raph Gatti savait capter les instants précieux qui marquent une vie et parvenait, par son sourire et sa bonhommie, à mettre ses « modèles » en confiance, au point de laisser émerger la vérité d’un regard, d’une attitude, d’une mimique, d’un geste. Cette proximité était telle que les artistes, les stars et les personnalités qu’il matraquait avec son objectif devenaient tout naturellement ses amis.

Parmi ceux-ci, deux êtres que tout sépare, sauf le génie. Jean Cocteau et Pablo Picasso. Des traits fins et émaciés pour l’artiste de « l’auto-portrait sans visage ». Un œil de braise illuminant un faciès volontaire chez le peintre de « Cuernica ». Deux créateurs du 20e siècle auxquels a galerie Sapone a décidé de rendre hommage en accrochant aux cimaises les plus beaux clichés de Raph Gatti.

Certes la galerie de portraits ne peut se rétrécir sur eux seuls. L’exposition permet de rencontrer Charles Vanel, Joseph Kessel. Chagall. Abel Gance, Martine Carol, Belmondo, James Irvin, Anthony Quinn, Gina Lollobrigida, Buñuel, Jean Marais… Parfois ils échangent avec le photographe des regards complices, des sourires, des accolades.

Souvent une distance admirative sépare Raph de ces personnalités hors normes. Mais toujours l’empathie, dense, perceptible, illumine ’image. « On ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux. » disait Saint-Exupéry. Sans doute Raph avait-il lu « Le Petit Prince »…

C’est cet art de la rencontre, cette sensibilité à fleur de peau qui ont su charmer Picasso. Le Maître ouvrait toutes grandes les portes de Notre-Dame-de-vie », à Mougins, aux époux Gatti. Chaque dimanche, pour un déjeuner familial, à la fin de l’année pour un réveillon entre amis et parfois en pleine nuit pour parler du dernier match de catch…

Picasso adorait ces combats et il lui arrivait de téléphoner à Raph sur le coup de minuit : « Monte, on va discuter de ce qu’on vient de voir à la télé ».

C’est dire, l’intimité qui liait les deux hommes. Et les photographies de Raph Gatti nous permettent d’entrer dans le monde de l’artiste. Picasso, torse nu, en short dans son atelier ou avec son coiffeur, Arias, à Vallauris. Picasso aux côtés de Jacqueline, surpris à l’aéroport de Nice en train de dédicacer une carte à un employé. Picasso en compagnie de l’écrivain russe Ilya Ehrenbourg. Ou, moment de grâce, baisant la main de Josephine Baker en 1961. Parenthèse élégante et glamour pour le 80e anniversaire du peintre. Des images révélatrices, qui vont bien au-delà de l’anecdote et donnent à voir un Picasso différent.

Simple, accessible, amical, comme il savait l’être avec Raph.

De Jean Cocteau le photographe sut capter l’aisance, le charme, le dandysme. On le voit en 1958 en compagnie de Marcel Achard, qui présidait alors le Festival international du film de Cannes. On admire ses allures de muscadin lors d’une réception en son honneur à Saint-Jean-Cap-Ferrat. On pénètre avec émotion dans son jardin secret, à Santo Sospir où le poète avait coutume de se ressourcer. On applaudit le comédien en plein tournage du « Testament d’Orphée »…

Autant de moments bénis passés à la postérité grâce au talent du photographe.

Raph Gatti, le regard de l’amitié. Galerie Lympia. 2 quai Entrecasteaux. Nice. Jusqu’au 4 juin.

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