On le sait bien, chez Lacan la guérison vient de surcroît. On ne l’attend pas, elle ne constitue pas l’objectif de la cure. Chez l’artiste Martin Miguel on peut dire que les affects interviennent malgré lui. Il n’en veut pas. Il travaille d’arrache pied en suivant des procédures élaborées, bien précises, loin des hasards de l’inconscient. Ce déconstructeur de la peinture de chevalet, cet inventeur de nouveaux supports, inverse les processus. Il ne s’agit pas de mettre de la couleur sur une toile, un mur, des pierres ou des morceaux de bois mais d’utiliser la couleur d’abord, d’en sortir une forme par décrochement ou effondrement de la matière.
Martin Miguel présente à la galerie Depardieu, à Nice, ses « cordeaux espiègles ». Des structures de béton armé devenues par la magie d’une opération qui nous dépasse des œuvres captivantes. On ne sait par quel bout les prendre, quoi en penser, quoi dire de l’esthétique qui nous ébranle pourtant. Le beau ici aussi vient de surcroît, là même où l’on ne le souhaite pas, l’artiste étant bien conscient de la relativité de cette notion mais s’il s’agit d’une facétie on applaudit pourtant car le regard est captif. Il devient difficile de se détourner de ces ciments enrichis de copeaux de bois, pigments vifs et huile de lin lascive. Cordeaux espiègles certes mais que l’on a envie d’emporter avec soi.
« Cordeaux espiègles » de Martin Miguel. Jusqu’au 24 mars . Galerie Depardieu. 6 rue du Dr Guidoni. Nice www.galerie-depardieu.com