Elle s’appelait Madeleine Pagès, avait croisé le poète dans un train, était devenue son amour caché, sa muse, sa correspondante, le soleil qui illumine l’imaginaire lorsqu’on se trouve à terre dans les tranchées. Guillaume Apollinaire n’a cessé de penser à cette jeune fille jeune et délicate dont l’amour pour la poésie et l’œil tendre avaient fait basculer une lueur de sympathie en coup de foudre le temps d’un voyage de Nice à Marseille.
Les vers chantaient à l’oreille de Madeleine, bouleversée par talent de Guillaume qui, en quelques heures, se sentit compris, aimé. Les mots qui changent le monde, les mots pour panser les plaies. Ils s’écrivirent et vécurent une passion d’autant plus vive qu’elle ne put véritablement se concrétiser.
« Je serre votre souvenir comme un corps véritable
Et ce que mes mains pourraient prendre de votre beauté
Ce que mes mains pourraient en prendre un jour
Aura-il plus de réalité?
Car qui peut prendre la magie du printemps?
Et ce qu’on en peut avoir n’est-il pas moins réel encore
Et plus fugace que le souvenir?
Et l’âme cependant prend l’âme même de loin
Plus profondément plus complètement enore
Qu’un corps ne peut étreindre un corps ».
De cet amour rêvé, sublimé et incarné dans un langage flamboyant est né un spectacle. Ces lettres sont lues sur la scène du théâtre des Déchargeurs, à Paris, par Pierre Jacquemont et Alexandrine Serre. Deux comédiens qui ont l’art de gommer l’économie de moyens par une rare intensité. Moment de grâce qui nous plonge au cœur de l’intime, dans cette sphère palpitante où se passe l’indicible, où l’être vacille, emporté par la magie des mots. Et c’est ainsi qu’Apollinaire célébra les portes de son amour avec une fougue plus sensuelle que n’importe quelle peinture lyrique.
A découvrir sans tarder au théâtre des Déchargeurs.
« Madeleine, l’amour secret d’Apollinaire ». Jusqu’au 27 mars. Le lundi à 18h30. Théâtre les déchargeurs. 3 rue des déchargeurs. Paris. http://www.lesdechargeurs.fr