Je me souviens d’une silhouette frêle, d’un sourire discret, d’un œil lumineux. Je me souviens d’un homme d’une grande simplicité, venu visiter la communauté juive de Nice, d’un être presque chétif. Je me souviens d’un géant.
Elie Wiesel, lui qui mieux que personne savait l’innommable, me pardonnera de ne pas trouver les mots pour dire mon admiration, mon affection et ma profonde tristesse d’apprendre qu’il a quitté notre monde. Il savait et il savait que personne ne peut savoir sans y être allé. Là-bas, dans « la nuit » devenue le titre d’un de ses ouvrages majeurs. Il savait qu’il ne pourrait plus jamais vraiment vivre, qu’une partie de lui s’était évanouie dans le petit matin blême qui vit partir en cendres son père, sa mère, sa sœur. Il vécut pourtant, comme il put, écrivit des livres, enseigna la philosophie, reçut le Prix Nobel de la Paix, refusa la présidence de l’état d’Israël, estimant qu’il était seulement un écrivain.
Il disparaît physiquement mais sa parole, au sens de Lévinas, une parole singulière, unique, vivante, restera pour toujours. Le corps n’est pas éternel mais l’idée de l’âme l’est. Le cerveau sera enterré mais la mémoire lui survivra « écrit-il dans « Cœur ouvert ». La Mémoire, Elie Wiesel, fut son dévoué serviteur jusqu’au bout. A sa suite cette Mémoire sera préservée, honorée, vivante. Telle est la promesse des survivants.