Errance avignonnaise, parfois j’aime le silence

ESPÆCE -

ESPÆCE – Conception, scénographie et mise en scène : Aurélien BORY –  Photo : Christophe RAYNAUD DE LAGE

Il y a des jours où j’aime le silence. Cette idée ne m’a pas quittée lors des quelques jours passés à Avignon pour tenter de retrouver espoir après la tragédie de Nice. Pour me ressourcer grâce à la beauté, l’intelligence et la création. Pour me réconcilier avec l’existence sinon avec l’humanité. Pourquoi l’éloge du silence? Parce que les deux spectacles qui ont eu cette vertu de me porter, m’éblouir, m’étonner sont totalement silencieux alors que la première plongée dans le « in » fut pour moi une noyade dans un océan de bêtise, de laideur, de mauvais goût. Je veux clouer ici au pilori « La dictature du cool » du chilien Marco Layera. Une fresque clinquante bavarde, méchante et volontairement minable. Ce spectacle mortifère ne mérite pas que l’on s’y attarde. Je le nomme simplement pour inciter les amoureux du spectacle vivant à passer leur chemin s’ils le découvrent à l’affiche.

En revanche si vous avez la chance d’être encore à Avignon pour la fin du festival courrez au théâtre Opéra Grand Avignon pour « Espaece »d’Aurélien Bory. Nouveau, raffiné, ludique, incroyablement inventif. Une pièce d’orfèvrerie qui célèbre cet acte insensé qui consiste à noircir des pages. « Ecrire, dit-elle »… Non, il ne s’agit pas ici de Marguerite Duras mais de Georges Perec qui inscrit dans le décor, sur les murs, sur l’écran de notre imaginaire des mots comme « écrire, « cri » « erre ». Tout est errance ici. Errance de la pensée qui se cherche, qui doute, qui toujours reste vive. Errance de l’être dans une bibliothèque étrange où l’on se déplace en dansant, où l’on se contorsionne pour mieux manger les livres. Un puzzle en mouvement comme doit l’être le théâtre, sans cesse recommencé, aux prises avec le doute et l’incertitude. Un vrai bijou.

HET LAND NOD -

HET LAND NOD – LE PAYS DE NOD – Mise en scène : FC BERGMAN – Photo : Christophe RAYNAUD DE LAGE

Autre moment de grâce, « Le pays de Nod » du flamand FC Bergman. Le public est immergé dans la grande salle du musée des Beaux-Arts d’Anvers privée de ses chefs d’œuvre pour cause de restauration. Un seul tableau résiste. Il est trop grand pour passer la porte. Ici encore il s’agit d’un spectacle totalement silencieux si l’on excepte les bombardements qui font sursauter les spectateurs. Pas de discours. Une errance chorégraphique dans un temple de la culture qui finira par s’écrouler. Magnifique. !

Enfin, on attendait le chorégraphe Sidi Larbi Cherkaoui pour « Babel 7.16 » dans la Cour d’honneur du Palais des papes. De somptueuses vagues de corps qui glissent doucement sur le sol, des images superbes composées par des personnages devenant sculptures, un décor architectural mais, hélas, des mots. Des mots, toujours des mots, pour distiller des bribes idéologiques, pour asséner des vérités très relatives, pour se faire plaisir. Au grand dam des spectateurs las de ce verbe douteux qui, lui, ne doute de rien.

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