Une petite pluie fine, translucide, qui vous transperce le corps et le cœur… Arrivée au théâtre des déchargeurs, en plein cœur de Paris, où un certain Serge Merlin, l’un des meilleurs comédiens beckettiens du siècle, interprète « Le dépeupleur ». Un mot pour un titre, une façon de dire, comme toujours chez Beckett. Un tueur? Un désespéré? Un être hyper lucide sur la condition humaine? A chacun ses fantasmes. Le texte, en tout cas, est terrible. Terrible dans ce qu’il dit ou ne dit pas, terrible aussi pour une scène. Une vraie gageure.
« Har-mo-niiiiiiiiiie ». Le comédien érige le mot en point d’orgue. « Harmonie », dérisoire façon de désigner l’enfer. Serge Merlin, mis en scène par Alain Françon, fait des prouesses. Il parvient à nous enfermer dans ce étrange cylindre dont on ne peut s’échapper. Il se déplace, se met en danger, s’assied à côté des spectateurs, s’offre en pâture. Extraordinaire personnage tout droit sorti de l’univers ambigu de Beckett.
Il n’en est pas à son coup d’essai, Serge Merlin. Il fréquente ces textes depuis des lustres et il les a fait siens. Sa prestation est bluffante. Elle nous prend dans ses filets, nous déstabilise, nous secoue. Nous sommes bien chez Beckett et c’est tant mieux.
Jusqu’au 27 mars. Théâtre les déchargeurs. 3 rue des déchargeurs. Paris. métro Châtelet. http://www.les dechargeurs.fr