On s’attendait aux lamentations des violons, au discours déchirant d’un peuple condamné à la fuite par ses bourreaux, au charme mélancolique et fou de l’âme slave. Tout ceci est bien là, omniprésent, émouvant, mais en filigrane. Macha Makeïeff a choisi la sobriété glaciale des mots d’Isaac Babel, l’un des plus grands écrivains russes, et Philippe Fenwick lui répond en écho depuis le monde d’aujourd’hui. Retour impossible et pourtant rêvé à Odessa, « la Marseille slave » dit-on ici, « Le Nice de la Russie » disait ma grand-mère.
Le parti pris de l’économie fonctionne car lorsque la vérité est là, le silence se fait pour écouter sans broncher, sans pathos, sans dérivatif, les mot nus qui disent l’isolement, la misère, l’exclusion et la barbarie. Seules des mains apparaissent en fond de tableau sur une vidéo, déchirante tentative d’échapper aux pogroms. C’est tout. Et ça suffit.
Pour le reste cette fiction à deux voix, celle d’Isaac Babel et celle de Philippe Fenwick, à l’affiche du Théâtre National de Nice, se muant en une étrange correspondance entre deux voisins de palier qui s’imaginent chacun sur les bords de la mer Noire devient une fable contemporaine non dénuée d’humour. Une double lecture, la même soif de renouer avec les origines. Anton et Marie sont les enfants de juifs odéssistes qui ont fui le régime soviétique. Oublier Odessa? Impossible. Retourner à Odessa? Difficile. Alors, vivre Odessa, autrement, sur une scène de théâtre. Pari réussi.
- « Lumière d’Odessa ». Dernière représentation ce soir, samedi, à 20h30.
- Théâtre National de Nice. Tél 04.93.13.90.90