Je le dis souvent, pour moi, entre la vie et le théâtre il n’y qu’un écart de langage. Cet écart, c’est la possibilité de sortir de soi, de transcender le réel, de créer. Si cette exposition ne faisait que retracer le chemin tragique d’une jeune fille douée pour la vie et massacrée par les nazis elle m’aurait bouleversée de toutes les façons. Mais ici il y a autre chose, une espèce de rage de vivre insensée qui parvient à transmuer le destin en art, sous l’intitulé: « Charlotte Solomon Vie? ou théâtre?
Merci à la ville de Nice de permettre ainsi à Charlotte Salomon de vivre parmi nous en prenant possession du Musée Masséna, cœur palpitant de l’histoire de la cité. Une façon magistrale d’œuvrer pour le devoir de Mémoire en ces temps où fleurissent à nouveau des slogans antisémites évoquant les pires heures de l’histoire.
Charlotte Salomon s’est débattue de toutes ses forces durant sa trop courte existence (elle mourut à Auschwitz à l’âge de 26 ans, enceinte de cinq mois) contre la pulsion de mort. Confrontée à une série de suicides dont celui de sa propre mère, occulté en « grippe », elle n’eut de cesse de célébrer la vie. Envoutée par la musique qui accompagne toute son œuvre et dont on entend parfois des accords par la magie des tonalités picturales, éblouie par les reflets du soleil sur la Méditerranée qu’elle chérit tant, par l’amour, la générosité, l’amitié. Et, animée d’une sorte de frénésie vitale, elle légua un ensemble fabuleux de peintures et dessins retraçant son périple et les accidents de l’histoire, la petite et la grande, qui finirent par l’assassiner.
Il y a du génie dans ce graphisme délicat et tourmenté et la scénographie inédite sert une exposition qui fera date. On suit le parcours de la jeune fille un peu comme on lirait une bande dessinée et les mots, en parfaite harmonie avec les gouaches, permettent de confirmer le ressenti que l’on éprouve en regardant les images. Une expérience fabuleuse au niveau artistique et au niveau humain. Je comprends vraiment, en déambulant dans les salles du musée Masséna comment David Foenkinos a pu choisir de consacrer un livre à la vie de cette jeune femme. Je vais le lire sur le champ.
Jusqu’au 24 mai. Musée Masséna. 65 rue de France. Nice
LA VIE. Oui. A la folie. J’ai tellement pensé à toi, Nicole, le 14 juillet 2016.
Merci à Charlotte Salomon pour sa toile bleue au tournesol. Et pour toutes les autres. Je t’embrasse.
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