Phèdre à Anthea, sculptural, universel. Sénèque relu par Lavaudant

La condition humaine ne dépend pas de l’époque. Aujourd’hui n’est qu’une brèche ouverte et souvent béante dans le temps des mortels. Phèdre s’impose comme un mythe fondateur de la terrifiante impuissance à s’extraire du tragique. A cet égard la mise en scène de Georges Lavaudant qui présente à Anthéa, à Antibes, la pièce de Sénèque, tient du prodige. Brûlante métaphore de notre incapacité à gouverner les passions et à prendre contrôle sur le monde.

Fallait-il une pandémie pour nous rappeler que jamais la foudre jupiterienne n’obéit aux diktats de la politique, de l’économie ou d’une quelconque gouvernance? Le réel n’est qu’un pâle reflet d’une autre réalité qui loge dans les forêts ou dans les forces obscures de l’inconscient. Georges Lavaudant a su, en orfèvre avisé, entrelacer les maillons d’une chaîne imbrisable. Un plateau glacial de précision scénique, des lumières qui sculptent les corps et révèlent les âmes, aveuglantes de vérité. Nul n’est besoin de recourir à des artifices pour dire l’universel. La lecture du texte de Sénèque, traduit au scalpel par Frédéric Boyer, échappe aux vaines tentatives d’actualisation trop souvent de mise aujourd’hui. Alors certes il y a bien un écran en fond de tableau mais seuls apparaissent par moments quelques mots qui semblent tatoués dans le marbre. L’image se concentre sur le corps des protagonistes (cinq comédiens en parfaite harmonie). Les corps évoquent les statues antiques d’un panthéon intemporel.

Cette création, brute et pure comme un diamant, restera dans ma mémoire. J’ai vu des centaines de spectacles. Une petite vingtaine continuent à cheminer en moi, ne quittent pas mon esprit. Parmi eux, le « Festen » de Daniel Besoin que je félicite d’avoir accueilli à Antibes cette lecture magistrale du « Phèdre » de Sénèque, moins souvent à l’affiche que la pièce de Racine.

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